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Les Histoires Fantastiques de STEPHAN LEWIS
2 septembre 2011

Le Téléphone

Le Téléphone
Le Téléphone                                                                                   
- Stephan LEWIS -
     
 
       Catherine et Julie, deux amies âgées de 14 ans, ont obtenu la permission parentale de partager la soirée et la nuit de vendredi à samedi.
      
       La première a donc invité la seconde, fière de lui faire découvrir son univers. La maison est très spacieuse. Elles ont passé la fin de la journée au sous-sol où se trouve la salle de jeux.
      
       Vers 20h30, les parents de Catherine, conviés à une soirée, ont fait leurs recommandations aux jeunes filles, afin que tout se déroule sans incident durant leur courte absence. Il a été convenu qu’elles regarderaient le film comique joué à la télévision avant de se mettre au lit.
     
        22 h 40 …
 
        - Il est déjà l’heure d’aller se coucher … soupire Catherine, négligemment allongée sur le canapé, se lissant ses longs cheveux blonds d’une main distraite.
       
        - Tu as sommeil ?… s’enquiert Julie, installée confortablement au creux d’un fauteuil et manifestement peu encline à se mettre au lit.
        
        - Non pas trop. Et toi ?         
       
        - Moi non plus. 
       
        - J’ai une idée… se réjouit déjà Catherine, l’air amusé, en éteignant le récepteur… Si on faisait une farce à quelqu’un avec le téléphone ?… suggère-t-elle à brûle-pourpoint, le visage éclairé d'un sourire espiègle.    
       
        - Une farce ?… s’étonne Julie, en affichant une mimique de surprise.
       
        - Oui, une blague quoi. Je me suis déjà prêtée à ce petit jeu. Tu verras, c’est marrant. Tu appelles une personne au hasard et tu lui poses une question débile. Elle ne tarde pas à se mettre en colère. Et hop, tu lui raccroches au nez !
       
        - Super ! Allez on le fait… s’enthousiasme déjà Julie en étouffant un bâillement, mais apparemment emballée par l’idée saugrenue de son amie. 
      
        C’est donc sans attendre, que Catherine s’est emparée d’un combiné, sur le clavier duquel elle s’est mise à pianoter fortuitement un numéro.
      
        Une voix d’homme, à l’intonation peu amène, ne tarde pas à se manifester à l’autre bout du fil.
      
        - Allô ! Qui est à l’appareil ?… se presse-t-il de demander.
      
        - Bonsoir monsieur. C’est pour une enquête… feint Catherine, tandis que son amie se retient de pouffer de rire.
       
        - Une enquête !… s’étonne l’autre… Et à cette heure ?  C’est une plaisanterie !… suspecte-t-il encore.
       
        - Non, non monsieur. On voulait simplement savoir … si votre grand-mère faisait du vélo ?… raille-t-elle effrontément en éclatant d’un rire moqueur, avant de replacer précipitamment le combiné sur son support, écourtant prématurément ce bref babillage.
     
        Subitement sujettes à un fou rire incontrôlable, les deux adolescentes mettent plusieurs minutes à récupérer, avant de pouvoir échanger leurs impressions sur la farce qui vient d’être jouée et qu’elles savourent sans aucune retenue.
     
        - C’est curieux… glousse Catherine, la remarque involontairement entrecoupée de rires spasmodiques et étouffés … mais il me semble connaître la voix de ce type !… confie-t-elle, perplexe.
      
        - Ce serait vraiment une coïncidence, étant donné que tu as composé un numéro au hasard… s’étonne Julie, les yeux larmoyants, maîtrisant avec peine cette hilarité communicative.
      
        La sonnerie du téléphone qui a retenti, a mis un terme à cette jubilation exubérante, qui s’est éteinte dans une sorte de hoquet
      
        - Tu .. tu crois que c’est « lui » qui rappelle ?… appréhende subitement Julie, dont la liesse d’un instant a fait place à l’inquiétude.
      
        - On répond ?… hésite Catherine, prise du même doute.
     
        - C’est peut-être quelqu’un d’autre…  escompte Julie, sans grande conviction.
      
        - A cette heure !… souligne Catherine, la moue dubitative.
     
        Plongées dans la même incertitude angoissante, les deux adolescentes subissent à présent les assauts incessants du timbre téléphonique, qui leur vrille les tympans avec acharnement.
    
        - Et si c’étaient tes parents désireux de s’assurer que tout va bien !… rappelle Julie.
    
        - Tu as raison. Et de toute manière, si c’est ce type, on s’excusera. C’était pas bien méchant après tout… minimise Catherine, banalisant la plaisanterie d’un geste d’indifférence.
    
        Ce disant, elle se décide à décrocher ...
     
        Mais à l’autre bout du fil, c’est un silence de mort tendu et inquiétant qui répond à leur attente …Plusieurs secondes s’écoulent, sans que leur mystérieux correspondant daigne se manifester. 
     
        Les deux intéressées ont échangé des regards étonnés. Et c’est avec un haussement d’épaules, que Catherine a replacé l’appareil sur son support.
    
        - Certainement une erreur de numéro… soupire-t-elle.
    
        Mais elles ont aussitôt sursauté, la sonnerie du téléphone retentissant de nouveau.
    
        D’un geste hésitant, Catherine a libéré le combiné de son support.
    
        - Allô !… J'écoute !…risque-t-elle timidement, avec un tremblement d’inquiétude dans la voix.
     
        - On ne se moque pas impunément du monde comme vous le faites mesdemoiselles… lui rétorque la voix déjà entendue ultérieurement.
    
        - C’est lui !… chuchote Catherine, subitement mal à l’aise.
    
        - Votre raillerie ne m’a pas amusé… poursuit l’autre d’une voix sèche reflétant son mécontentement d’avoir été la victime de ce quolibet à pareille heure.
     
        - Je m’excuse de vous avoir importuné monsieur. J’espère que vous n’êtes pas fâché ?… se confond Catherine d’une voix déconfite et modulée, adoptant un ton volontairement innocent, voire contrit.
     
        - Vous allez pouvoir le constater par vous-mêmes. Car vous êtes deux, si je ne me trompe ?
     
        Les intéressées ont échangé des regards déroutés.
     
        -  Comment ça le … constater… a pâli Catherine en déglutissant nerveusement à plusieurs reprises, au risque de s’étrangler..
     
        - J’ai votre numéro. Je peux savoir où vous êtes. Je vais me rendre à votre domicile. J’ai une sainte horreur des farces imbéciles. Je vais vous découper en petits morceaux. .. menace-t-il avec une ironie glacée dans le son de sa voix. 
     
        Et l’inquiétant personnage a aussitôt raccroché, laissant les deux adolescentes dans l’expectative.
    
        - Tu crois qu’il était sérieux… frissonne Julie, perplexe.
    
        - Il a certainement voulu nous faire peur pour nous punir de l’avoir éconduit de la sorte… tente de dédramatiser son amie, le visage blême, désireuse de s’en persuader elle-même. 
    
        Mais elles ont de nouveau tressailli, le timbre du téléphone résonnant une nouvelle fois.
     
        La main tremblante, Catherine a hésité durant une poignée de secondes avant de se décider à se saisir du combiné et a conjointement connecté le haut parleur.
    
        - C’est encore ce cinglé … pressent Julie d’une voix angoissée …
    
        Catherine n’a pas eu le temps d’apporter de réponse, qu’une voix se manifeste à l’autre bout du fil …
    
        - Encore envie de fanfaronner, jeunes filles ?… ricane-t-elle.
    
        - C’est lui !… a frémi Catherine, croisant le regard désemparé de son amie, dont la blancheur du visage s’est intensifiée.
     
        D’un geste à la fois nerveux et paniqué, elle s’est pressée de raccrocher à son tour. 
     
        Sans échanger le moindre mot, les deux adolescentes, déconcertées et éperdues, gardent le regard rivé sur le téléphone. Immobiles et semblables à des statues de marbre, plongées dans une hypnose démentielle, elles ont tressauté à sa sonnerie intempestive qui troue à nouveau le silence. Elle résonne sans répit encore et encore dans leur corps, dans leur tête, telle une menace grandissante à travers la nuit. Les nerfs à vif, manifestement résignées à subir l’impensable, elles se sentent, l’une comme l’autre, incapables de continuer à faire face à cette situation devenue insupportable et qui menace de leur faire perdre la raison.
     
        Et c’est bientôt le répondeur qui assure la relève. 
     
        - Je suis devant votre porte. Je vais entrer régler mes comptes … menace cette fois la même voix, les ramenant à la réalité.
     
        Un cri d’effroi s’est échappé des lèvres des deux amies en plein désarroi, qui ont échangé des regards affolés.
    
        - La lumière !… Eteins la lumière !… s’est écriée Julie d’une voix blanche, complètement paniquée.
    
        La pièce est rapidement plongée dans le noir et les verrous tirés précipitamment ; tandis que des coups secs et violents sont à présent assénés contre la porte d’entrée.
    
        Au bord des larmes et le cœur battant à un rythme endiablé, les deux infortunées, les traits crispés, s’imaginent leur dernière heure arrivée.
    
        Puis, subitement, plus rien … silence total …leur calvaire semble avoir pris fin. Seul, un chien hurle dans la pénombre de la rue déserte.
    
        - Que fait-on ? Il va revenir !… balbutie Julie, le visage blême, agité d’un tremblement nerveux.
    
        - Je ne sais pas. J’ai peur… sanglote Catherine.
    
        Plusieurs minutes se sont à présent écoulées, sans que la menace ne se soit de nouveau manifestée.
    
        - Son numéro est encore sur l’écran du téléphone… mentionne Catherine avec des fragments de sanglots dans la voix... Je vais le rappeler pour le prier de cesser ses absurdités. Faute de quoi je l’avertis que je préviens la gendarmerie.
     
        - Espérons que ce cinglé nous laissera tranquilles… hoquette Julie, en essuyant une larme d’un revers de main, tandis que son visage tendre et juvénile aux taches de rousseur, continue de refléter la plus extrême frayeur.
     
        D’une main tremblante, Catherine s’affaire aussitôt à rappeler l’inconnu, d’après ses coordonnées demeurées en mémoire.
     
        - « Le numéro que vous avez composé n’est pas attribué ou n’est plus en service. Nous regrettons de ne pouvoir donner suite à votre appel » indique une bande passante.
    
        Les deux jeunes filles ont échangé des regards interdits.
    
        - Tu t’es trompée … présume  tout naturellement Julie.
    
        - J’ai utilisé la touche « bis » !… se justifie Catherine en faisant une nouvelle tentative.
    
        Mais c’est le même message d’erreur qui se fait de nouveau entendre.
     
        - J’y pense… se ravise Julie, la mine réfléchie… Sur ton ordinateur, tu peux chercher le nom de cette personne à l’aide du numéro inversé. Nous saurons immédiatement où elle habite !  
    
        -  Bonne idée… acquiesce Catherine en s’exécutant promptement.
       
        ………. Surprise … ! ! ! !
    
        - C’est … c’est le numéro de … de mon voisin d’à côté … murmure cette dernière du bout des lèvres.
    
        -  Cela explique tout ! Tu vois bien que c’était une plaisanterie… anticipe Julie…Il a reconnu ton numéro et a voulu te faire une farce à son tour. Ce qui est tout de même étrange, c’est la teneur de ce message indiquant que son numéro ne soit plus attribué. 
    
        - Non. C’est impossible… hoquette Catherine, la lèvre inférieure légèrement tremblante, tandis que ses traits reflètent la plus vive terreur.
    
        - Comment ça impossible ?… s’étonne Julie. 
    
        - Parce que la maison est vide. Cet homme qui vivait seul est décédé la semaine dernière ...
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